Exposé fait par Dominique Vincent lors de la réunion des animateurs du JDRR le 23 janvier 2021
Présentation
L’œuvre d’Arnold Mindell constitue un corpus extrêmement riche et fécond avec un nombre énorme de publications, vingt-quatre livres au total, plus de nombreux articles. Il offre tout autant des élaborations théoriques que des pratiques qui en découlent. L’interrelation théorie pratiques et toujours présente dans l’œuvre de Mindell. Il est difficile de tracer les contours de ses apports car sa pensée évolue constamment. Ses écrits entrent en résonance profonde avec l’émergence spontanée de nos propres réflexions, élaborations et pratiques. En lisant Arnold, « Arny » comme beaucoup l’appellent, un dialogue vivant et fécond s’établit entre son processus et le nôtre.
Son approche est interdisciplinaire. Ses sources d’inspiration sont variées à l’infini. A partir de la psychologie analytique de Jung et de la physique fondamentale, Mindell nous entraîne dans des paysages variés : Alchimie, Taoïsme, Tantra, Bouddhisme, Chamanisme. Arnold fut d’abord un étudiant en physique appliquée au MIT (Massachusetts Institute of Technology) aux USA et à l’ETH de Zurich, deux des universités les plus réputées au monde pour la qualité de la recherche et de l’enseignement. Einstein fut un des étudiants de l’ETH. « Mindell a été initié à la psychologie jungienne en Suisse à la suite d’une rencontre fortuite avec Franz Niklaus Riklin , alors président de l’Institut CG Jung . Mindell est ensuite entré dans l’analyse avec Riklin et Marie-Louise von Franz et a suivi une formation d’analyste jungien à l’Institut Jung. Il a un doctorat. en psychologie de l’Union Institute. » Pour en savoir plus sur sa vie, suivez ce lien :https://fr.qaz.wiki/wiki/Arnold_Mindell
Voici des extraits de l’intro du propre site d’Amy et d’Arnold Mindell. La traduction est de moi.
« Process signifie suivre la nature en prenant en compte les signaux, rêves et sentiments dans les individus, les groupes, les gouvernements et notre planète, pour la psychologie, la médecine, la physique, les arts et les organisations, donc le Tao. »
« Ensemble, en suivant le « process » dans les expériences individuelles et de groupe, nous trouvons souvent des résolutions inattendues à nos problématiques personnelles et collectives. L’idée fondamentale est que le process, c’est à dire les ressentis profonds, les rêves, les signaux et les événements, nous montrent la voie. »
Quelques concepts fondamentaux de Mindell
Mindell a le génie de redéfinir des concepts jusque-là épars dans différentes écoles de pensée et de traditions en un tout organique. Je cite et explique succinctement certains de ces concepts, ceux qui m’ont le plus aidés, pour vous donner le goût d’approfondir. Mon but n’est pas d’être exhaustif. Chaque fois que je reviens à ces concepts, je me rends compte combien ils sont adéquats pour enrichir la compréhension et la pratique de la méthode du JDRR.
The ProcessMind
C’est intraduisible en bon français. Ce serait le processus intelligent qui mène l’univers et qui nous mène donc en conséquence. C’est l’intellect de Dieu, le Tao, le Grand Esprit, le Brahman… Je le rapproche du mot grec Logos tel qu’utilisé dans le prologue de l’évangile de Saint Jean. Ce mot grec se retrouve à la racine de nombreux mots français tels que logique, psychologie, archéologie, théologie, musicologie, entomologie, sociologie, ethnologie… « Dans la philosophie platonicienne, le logos est considéré comme la raison du monde, comme contenant en soi les idées éternelles, archétypes de toutes choses. » Article Logos, Wikipédia.
Dans la théologie chrétienne le logos désigne la parole créatrice de Dieu. Dans la Genèse, Dieu dit et cela vient à l’existence, cela est. Paradoxalement, ce logos ou plus exactement dans la pensé de Mindell le ProcessMind, se laisse percevoir dans le silence intérieur de chacun d’entre nous où il n’y a rien et pourtant d’où tout émerge. Dans le JDRR, c’est le vécu tout simple quand quelqu’un monte sur le trône et que nous attendons de voir ce qui émerge en nous avant de nous définir dans un archétype de l’émergence. C’est l’expérience de la méditation quand tout devient silence. D’où est-ce que tous les phénomènes émergent-ils ? La physique moderne tente d’y répondre avec la théorie unitaire des champs en relation avec la non-localité : des phénomènes qui peuvent survenir simultanément en des lieux différents sont liés sans qu’il y ait eu un signal qui ait voyagé dans le temps. Jung parle de synchronicité quand ce principe est appliqué aux évènements humains. Dans l’univers, les événements surgissent spontanément et instantanément sans les liens de causalité de la physique classique antérieure.
Mindell a écrit un livre entier sous le titre de ProcessMind, a user’s guide to connecting with the mind of God. Rien que cela ! Il cite Einstein : « I want to know God’s thoughts… the rest are details. » Ce à quoi répondent les mystiques Indiens, Soufis, Chrétiens… : « Dieu est l’Inconnaissable absolu, l’Insondable, le mystère. C’est dans le silence de l’adoration, de la méditation, que nous nous en approchons, que nous plongeons en Lui, que nous Le connaissons, c’est à dire que nous co-naissons avec Lui, en Lui. Comme le dit Saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Pour moi, l’expression la plus juste me paraît être : « Je suis une des manifestations particulières du ProcessMind, de la pensée créatrice de Dieu. Je n’en ai jamais été séparé et je ne le serai jamais. J’en ai simplement l’illusion pendant mon existence terrestre. A des moments privilégiés et, pour certains semble-t-il définitivement, le voile se déchire, la réalité est reconnue pleinement. La goutte d’eau se reconnaît comme une part de l’océan. » Ma véritable créativité, ma dignité et ma liberté résident dans le fait de reconnaître que je suis une émergence de la force créatrice divine et que j’y retourne. Je participe au ProcessMind et le JDRR consiste à libérer l’émergence de cette puissance en moi et de contribuer à la libérer chez les autres.
Un autre aspect mis en valeur par la physique est que l’observateur et l’observé forment un tout indissociable, le fait d’observer modifiant la chose observée. Cela signifie pratiquement que, au cours d’un JDRR, l’animateur, le cas échéant le superviseur, celui qui est sur le trône, et tous les participants forment un tout, un champ d’où émergent à la conscience de chacun, quel que soit son rôle dans ce champ, des évènements qui ont un sens en résonnance avec le monde intérieur de tous. Selon Jung, l’inconscient collectif qui contiendrait une foule d’archétypes, est un champ informé auquel nous participons tous. Ce qui veut dire concrètement qu’un JDRR particulier est toujours à considérer dans le contexte beaucoup plus vaste de l’environnement politique, économique et social, du plus proche au plus lointain. Considération nécessaire si nous voulons comprendre au mieux ce qui s’y déroule de particulier !
The power of silence, origin of the unfolding process, La puissance du silence, origine des processus de déploiement
L’existence est constante émergence, source non locale et intemporelle d’énergie et d’informations qui jaillissent par elle-même. Je peux me mettre en disponibilité pour recevoir l’information et cette source me la fournira quand et de la manière dont elle le voudra. Cette mise en disponibilité est ce que nous pratiquons par la méditation, silence et écoute intérieure. Et comme je l’ai dit plus haut, cela rejoint l’expérience de l’archétype de l’inconnu dans le psychodrame du JDRR.
The power of silence se révèle par la qualité de la présence, pré-sens, ce qui prépare dans le silence la révélation du sens. Cela rejoint également le processus des séminaires intensifs vers l’éveil « Qui suis-je ? » la découverte d’un état d’être qui révèle notre essence la plus profonde.
L’expérience du pouvoir du silence
A n’importe quel moment, je peux faire l’expérience de la puissance du silence en fermant les yeux et en plongeant dans mon espace intérieur. Je peux voir, sentir, écouter tout ce qui émerge en moi et tenter de me mettre en focus sur l’espace d’où tout cela émerge. Deux méthodes simples : la première, discerner et plonger dans l’espace entre deux respirations, et la deuxième, discerner et plonger dans l’espace entre deux pensées. Dans cet espace, une fenêtre s’ouvre et l’expérience du vide est possible.
Dès que quelqu’un « peut réaliser le vide à volonté, sa tendance à l’écartèlement mental disparaît et, ce vide étant le lieu de tout ce qui existe, il obtient la maîtrise de l’univers. » (Lilian Silburn dans son livre commentaire d’un texte sanskrit millénaire Le Vijnana Bhairava. C’est un texte fondateur pour qui veut comprendre le véritable Tantra.) Mindell intègre ces traditions millénaires dans ses recherches.
Process work, a process oriented psychology, Travailler avec le processus, Une psychologie orientée vers le processus
Process est le flux total de ce qui arrive tant dans le conscient que dans l’inconscient de chacun et de chaque groupe. Cela signifie qu’il y a une apparition constante de signaux qui se manifestent par différents channels ou canaux. Nous reviendrons en détail sur cet aspect dans la deuxième partie de cet article. Le process work est donc l’intention consciente de faciliter la reconnaissance et l’épanouissement du process en soi et chez les autres. Le fond du travail du coach, du formateur, du psychothérapeute réside en cela, faciliter le process en soi et chez ses clients dans la mesure de leur demande en les aidant à dépasser les limites que leurs croyances et leurs conditionnements leur imposent. Cela nous différencie des approches de coaching et de thérapie qui sont goal oriented, c’est à dire orientées vers un but, un résultat spécifique. Cela nous différencie également des approches centrées sur des états psychologiques catégorisé et décrits comme dans le manuel de psychiatrie DSM-5 – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Le diagnostic précis oriente vers des protocoles de soins spécifiques. Rien de tel chez Mindell, tout en reconnaissant que la connaissance de ces tableaux cliniques peut être utile pour comprendre les processus de certains clients avec, toutefois, le risque énorme de les maintenir figés dans ce diagnostic.
Mindell nous demande d’être extrêmement prudents dans l’idée que nous pouvons changer le cours des choses tel que le devenir d’un client, comme si nous pouvions changer le cours des évènements astronomiques… Quelle illusion ! Quelle arrogance ! Ce qui, par contre, est en notre pouvoir, est de faire de notre mieux pour discerner moment par moment où le process nous entraîne pour en faciliter l’émergence et pour le suivre. Ensemble avec le client qu’il soit une personne ou une organisation !
Deep democracy, Démocratie profonde
Chacun est un canal, une voie d’émergence du ProcessMind ou flux d’intelligence créatrice divine. Pratiquement, cela signifie qu’en ce qui concerne une véritable démocratie, il n’y a plus de fixation sur le fait de savoir si une prise de position est minoritaire ou majoritaire pour prendre une décision car chaque point de vue a une valeur essentielle. Le point de vue minoritaire qui est souvent le plus perturbateur, doit être considéré avec la plus grande attention car il détient le pouvoir de remise en cause de l’équilibre du système et donc de sa capacité de remise en mouvement et de renouvellement quand il est figé. Un point de vue ne se discute pas, il s’explicite. Les plus sages de la communauté et l’ensemble de celle-ci si elle est mature, portent la préoccupation d’aider chacun, y compris et surtout les plus faibles et les plus discordants, à élaborer leur point de vue et à le mettre en mots compréhensibles pour tous. Attitude très inconfortable, éminemment impopulaire, mais combien utile !
The World worker, facilitator of process in individuals and organizations, Le travailleur du monde, facilitateur de processus pour les individus et les organisations
Nous pouvons tous choisir d’être des travailleurs du monde, c’est à dire des facilitateurs des processus d’émergence à l’intérieur de chaque individu tout autant que dans les groupes et les organisations. Pour devenir des world workers, nous devons nous-mêmes entrer consciemment dans l’écoute de nos process personnels, en particulier dans notre interdépendance avec les groupes dont nous faisons partie et surtout ceux où nous intervenons. Ce faisant nous sommes amenés à développer des meta-skills, c’est à dire des méta-compétences.
Tout thérapeute, tout intervenant, tout facilitateur, dans quel que champ que ce soit, se doit de se reconnaître consciemment un world worker. Toutes ses paroles, toutes ses interventions, ont bien sûr un effet sur les personnes auprès de qui il intervient, mais aussi par effet domino, sur les personnes de leur entourage familial, professionnel, politique, sans limite…
Meta-skills, méta-compétences
Ce sont les méta-compétences, c’est à dire les compétences qui viennent de l’état d’être et non de savoir-faire. Je peux savoir comment techniquement mener une réunion de travail mais ne pas être capable de me mettre dans la peau de celui qui n’arrive pas à effectuer une tâche donnée pour blocage émotionnel. Je cite quelques-unes de ces méta-compétences et ensuite, à vous de compléter la liste : s’aligner, se centrer, prendre du recul, se mettre à la place de l’autre, aimer, accéder à sa zone de silence… C’est Amy Mindell, la femme d’Arnold qui a spécifiquement élaboré sur ce sujet. Amy et Arnold travaillent continuellement ensemble et Amy a développé son propre style et ses propres thèmes de travail. Entre autres, elle est une excellente artiste et a publié un Cd de ses créations vocales et musicales.
Inner work and world work, Travail interne et travail du monde
Il y a à considérer la résonnance continuelle entre notre monde interne et ce qui émerge dans le monde autour de nous. Les conséquences pratiques sont immenses dans différents champs. Dans le processus de résolution de conflits, la résolution devrait s’effectuer d’abord dans le monde interne du facilitateur pour opérer dans les parties en conflit. Mindell considère le monde comme un immense atelier de développement personnel qui interpelle chacun dans ses plus profonds retranchements. Tout conflit, nous avec d’autres, ou interne à un groupe donné, a sa résonance dans un conflit interne qui nous est propre. Il ne peut y avoir de résolution du conflit externe sans travail interne.
PTSD, post traumatic stress disorder, Syndrome de stress post-traumatique
Pour devenir un facilitateur, il est absolument nécessaire de mettre au travail ses propres traumas. Quand quelqu’un n’a pas mis à jour et travaillé son syndrome de stress post traumatique, il va automatiquement répéter et provoquer le même syndrome autour de lui.
Prenez vraiment le temps de réfléchir sur les traumatismes que vous avez expérimentés au cours de votre vie et sur les traumatismes que vous avez provoqués chez les autres. Cela n’est possible que dans l’inconscience. Il ne s’agit pas de se culpabiliser mais d’apporter de la lumière sur des processus automatiques qui ne peuvent cesser de se produire que dans l’inconscience. Cela est particulièrement visible dans les répétitions éducatives sur nos propres enfants, quelles que soient nos bonnes intentions.
Dream, Projection, Dreambody et Dream-up, Rêve, projection, corps rêve et rêve agissant
Nous sommes ici au cœur de l’œuvre de Mindell avec les concepts qui m’aident le plus au quotidien de l’animation du JDRR. En ce qui concerne le rêve, les concepts et les pratiques de Mindell relèvent tout autant de la psychanalyse freudienne et surtout jungienne, que de la place du rêve dans les sociétés traditionnelles de tous les continents, africaines, amérindiennes, australiennes…
Le ProcessMind, la Source, rêve le monde. Le monde est le rêve de Dieu ou, comme le disent les Hindous, Leela, son jeu, sa danse. Comme Freud et Jung, Mindell se sert continuellement du rêve nocturne et du rêve éveillé. A leur différence, il ne s’intéresse pas tant à l’analyse des rêves qu’à la mise en évidence de leurs différentes parties, de leur valeur archétypale, des différents acteurs du rêve, ceux auxquels nous nous identifions, et surtout, à ceux auxquels nous ne pouvons ni ne voulons nous identifier. Ces parties représentent des aspects de nous-mêmes que nous ne pouvons accepter et que nous refoulons. Ces parties crient pour être reconnues comme le monstre qui nous poursuit et qui demande à ce que nous nous retournions et le regardions dans les yeux. Mindell recommande par exemple de faire jouer son rêve au client en lui demandant d’en acter les différents personnages. Il peut même intégrer activement le psychodrame qui émerge du rêve de son client. Il n’y a alors plus besoin d’analyse en tant que telle parce que le sens devient auto-évident.
Dans certaines sociétés traditionnelles, les enfants sont invités dès le plus jeune âge à partager comme les adultes leur rêve à la communauté. Le rêve y est considéré comme la voie d’émergence des esprits pour le plus grand bien du groupe. Le rêve d’un enfant signifie quelque chose d’aussi important que la vision du Chaman. Un de ceux-ci disait : « Si vous voulez changer le monde, écoutez les rêves de vos enfants.
Nous sommes le rêve de Dieu incarné dans l’espace-temps de notre corps. C’est le dreambody, le corps rêve. Nous portons en nous le rêve, les rêves de l’humanité dans son inconscient collectif. Notre mission de vie serait de réaliser ce rêve à notre façon singulière. Jung aurait dit sur son lit de mort : « Je suis un inconscient qui s’est réalisé. » Notre dreambody est fait tout autant de l’impulsion du ProcessMind en nous pour notre épanouissement complet, notre réalisation, que de nos énergies refoulées qui veulent absolument émerger. Ces dernières se manifestent de façon intempestives et inadaptées par nos cauchemars, nos colères, nos désespoirs, et aussi dans nos somatisations.
Le dreambody crée un champ informé tout autour de nous qui va organiser notre expérience du monde. Quand ce champ modifie les sentiments et les façons de se comporter des personnes autour de nous, Mindell utilise le terme dream-up.
Nos scénarios inconscients et nos rêves non reconnus vont avoir un impact autour de nous comme une projection agissante d’un film sur les situations et personnes autour de nous. Cela nous amène à interpréter les événements et les intentions des acteurs dans nos vies de manière erronée. C’est le mécanisme de projections des parts non reconnues en nous. Cette projection est agissante car, par un mécanisme de transmission d’inconscient à inconscient, nous invitons les personnes à rejouer autour de nous, les uns envers les autres d’une part, et envers nous-mêmes d’autre part, les scénarios qui nous habitent. C’est le dream-up. Ainsi, dans l’inconscience, nous nous rêvons les uns les autres et nous sommes les jouets des fantasmes des uns et des autres.
Le JDRR est une des méthodes qui peut nous aider à prendre conscience de notre dreambody et de ceux des autres et à arrêter la répétition inconsciente par le processus de dream-up. Peuvent alors émerger à la conscience les niveaux les plus profonds de nos rêves qui rejoignent le rêve de Dieu. Nous devenons les créateurs de nos vies et les co-créateurs du monde dans lequel nous vivons.
Primary and secondary Process, Processus primaires et processus secondaires
Les processus primaires sont ceux auxquels nous nous identifions, être bienveillant, non violent, tenir compte de tout le monde dans un groupe etc. Les processus secondaires sont ceux qui émergent à l’improviste ou qui sont dans l’arrière-plan de notre conscient : une explosion de colère, un agacement envers quelqu’un que nous aimons, agacement qui nous surprend et que nous ne pouvons nous expliquer, un sentiment de haine ou une envie de frapper, ses enfants ou son mari par exemple. Ils ne sont pas inconscients mais nous aimerions qu’ils le soient et que la mémoire même de les avoir ressentis ou actés disparaissent de notre mémoire. Ils perturbent tellement l’image que nous avons ou que nous voudrions avoir de nous, et celle que nous voudrions donner aux autres !
Le processus primaire, celui auquel nous nous identifions et qui est en accord avec les demandes de la société, est souvent contraignant et étouffant de nos besoins véritables. Ceux-ci deviennent alors un processus secondaire qui se révèle dans nos rêves. Boire de l’alcool, du café, ou tout autre drogue peut être un moyen de faciliter la reconnaissance et la mise en acte de nos besoins cachés dans nos processus secondaires.
Intention consciente et intention inconsciente
Je veux aider un groupe à résoudre un conflit et mon intervention de facilitateur y stimule encore plus de conflits ! C’est évidemment catastrophique quand mon intention consciente en rapport avec mon idéal est de devenir un nouveau Gandhi apôtre de la non-violence ! Dans la réalité nous sommes souvent le jouet de scénarios inconscients qui viennent de notre famille ou de notre milieu social d’origine. Quand nous intervenons dans une entreprise, pourrions-nous être mené par un scénario de revanche contre le directeur identifié à l’imago paternel ? Rejouons-nous la compétition entre frères et sœurs ? Le conflit social entre notre père ouvrier et le monde des actionnaires ? Ou l’inverse, le mépris de notre père CEO envers les employés jugés d’emblée paresseux ou stupides ? Nous pouvons être joué par notre inconscient et ses intentions qui nous échappent.
Conscient et inconscient
La grande majorité des opérations de notre psyché se jouent en dehors de notre moi conscient et nous n’y avons accès qu’au travers de nos rêves, de nos somatisations, de nos projections, du dream-up qui se joue autour de nous, des actes manqués, etc… A l’opposé, il y a les expériences auxquelles je suis entièrement présente. Je peux être pleinement consciente d’être conscient de quelque chose qui m’arrive ou je l’ignore. Cela suppose pour la plupart d’entre nous un long apprentissage d’écoute de nos ressentis le plus continuellement possible. La vie devient alors de plus en plus vibrante et passionnante parce que cette écoute amplifie toute notre vie biologique et psychique, et même notre intelligence rationnelle.
Par exemple, pour expliquer les nuances sur la compréhension de moi-même que m’apporte ces notions : je peux ignorer que je suis profondément bienveillant alors que c’est ce que suis constamment. Quand je m’identifie à la croyance que je ne suis pas une bonne personne, ce qui est donc un processus primaire, je ne suis pas conscient que c’est une identification. Celle-ci dépend d’un jugement internalisé enfoui dans mon inconscient que mon père, ou ma mère, ou quelqu’un d’autre d’important, essentiellement dans mon enfance portait sur moi. Je peux même paradoxalement traverser une crise d’identité en reconnaissant l’amour et la bienveillance profonde qui m’habite parce que cela met en cause toute ma façon de me vivre et de me comporter dans le monde. Cela peut être tout aussi fort que pour une autre personne de reconnaître ses mouvements de haine. Des processus similaires peuvent survenir pour quelqu’un qui change de milieu social par le fait de ses études et de sa profession, de paysan ou d’ouvrier à profession libérale ou à l’accession à un poste de cadre. Notre vie est faite d’une combinaison de multiples processus que nous avons tout intérêt à mettre en lumière pour devenir des êtres humains libres et matures.
Nano-events, nano-évènements
Les nano-évènements sont de mini signaux, des évènements intérieurs les plus minuscules et les plus subtils. Je rapproche l’expérience des nano-events, de celle des flirts. Ce sont de mini-signaux qui surviennent lors d’une interaction entre soi et une autre personne ou d’un groupe. Les attraper au vol alors qu’ils passent si vite et qu’ils demeurent la plupart du temps inaperçus, et les mettre en valeur, est certainement un moyen de progresser très vite. La façon dont deux corps sont penchés l’un par rapport à l’autre, une mimique, une intonation, une accélération des battements du cœur, une image insolite, un mouvement spontané, l’air d’une chanson… Dans la vie courante, il y a de nombreux processus qui sont ignorés quoique juste à la frange de notre expérience consciente : une tension dans mon plexus, un énervement, une voiture qui passe qui m’évoque un souvenir lointain… Les nano-events et les flirts sont des portes entrouvertes vers nos mondes intérieurs les plus secrets. Y porter attention nous ouvre à la magie de l’existence au-delà de la réalité consensuel, celle à laquelle tout le monde adhère sans se poser de question et qui nous limite et nous enferme.
Conclusion provisoire
J’arrête ici la mise par écrit de la première partie de mon exposé. Je le reprendrai prochainement pour vous en donner la suite. Qu’il vous aide dans votre pratique de l’animation du JDRR. Qu’il vous aide surtout dans votre démarche de connaissance de vous-même.
Je vous invite à me faire part de vos questions et commentaires pour me guider dans la rédaction de la deuxième partie.
Pour compléter mon exposé et retrouver les termes utilisés par Mindell et la définition qu’il en donne lui-même, vous pouvez suivre le lien suivant : https://static1.squarespace.com/static/54a386c7e4b07985e3618194/t/5ea8f1006ade3c4d2c109737/1588130049899/process-work-glossary-april2020.pdf
Je viens juste de découvrir ce site.
Merci de votre attention.
Dominique Vincent