Jean-Philippe Magnen, basé à Nantes, est Gestalt-thérapeute et animateur accrédité du Jeu du RoiReine. Dans quels contextes utilise-t-il la méthode et en quoi est-elle cohérente avec son approche de la psychothérapie ? Entretien.

Quelles similitudes y a-t-il entre la Gestalt-thérapie et le Jeu du RoiReine ?

Le Jeu du RoiReine, comme la Gestalt-thérapie, tire son inspiration de plusieurs courants de psychologie, psychanalyse et psychothérapie, ainsi que des philosophies orientales : psychanalyse jungienne, développement de la personne de Carl Rogers, phénoménologie de Husserl et Biswanger, psychodrame de Moreno, constellations familiales, systémie, analyse transactionnelle, taoïsme, bouddhisme et tantrisme.

La Gestalt-thérapie, appelée quelquefois la « thérapie du contact », situe la construction de l’individu résolument dans son rapport à son environnement ; elle considère l’indissociabilité moi/monde. Cette prise de position pousse à travailler non pas sur une réalité objective du monde et de l’individu, mais sur la perception subjective de chacun et les phénomènes d’influence, d’impacts réciproques de l’un sur l’autre. La Gestalt se préoccupe de ce qui prend forme, de ce qui s’organise, se structure dans l’instant du contact entre une personne et son environnement.

 

En quoi l’expérience proposée par le Jeu du RoiReine est-elle porteuse pour une approche thérapeutique ?

Le JDRR, en s’appuyant sur la structure du royaume, et une improvisation jouée par le RoiReine et tous les membres du conseil, met les participants dans « l’ici et le maintenant », en posture de vivre pleinement l’expérience. L’animateur accompagne les mouvements individuels et collectifs au sein de la structure archétypale qui est le cadre de référence.

En l’animant dans ce cadre proposé, je me sens pleinement en posture gestaltiste. Lors des deux tours de débriefing qui suivent, les animateurs que nous sommes (les jeux sont souvent coanimés) font visiter aux participants le mécanisme projectif :
– 1er tour de parole : qu’est-ce qui a fait que j’ai choisi tel archétype dans le Royaume de « x « et comment ai-je vécu l’improvisation ? Sans accompagnement des thérapeutes qui, eux, notent tous les mots de la personne qui s’exprime.
– 2ème tour : en quoi ce que j’ai exprimé au premier tour parle de moi, de ma vie ?

Les thérapeutes accompagnent alors la personne dans son exploration personnelle.

 

Comment et où un Gestalt-thérapeute est-il amené à utiliser le Jeu du RoiReine ?

J’utilise la structure de ce jeu dans des groupes divers : thérapie, équipe de travail en entreprise, équipes de travailleurs sociaux en analyse de la pratique, mais aussi, en adaptant le jeu, lors de séances individuelles. Autour des questions de l’exercice du pouvoir, du leadership dans sa vie, le jeu met en lumière les interactions entre « l’intime » et le « social », le personnel et le collectif en s’appuyant sur le révélateur de l’effet miroir projectif.
On trouve là un terrain d’exploration de ce lien intime – social que j’évoque de la Gestalt quand je me réfère à la théorie du champ « organisme-environnement ».

Que ce soit comme gestalt-thérapeute ou animateur Jeu du RoiReine, plus que la recherche d’une forme de cohérence, je sens de la « congruence », une aspiration profonde de mise en « cohérence » entre les ressentis et les modes de mise en action ou en forme. Dans des cadres différents d’accompagnement, cette valeur me semble donc au cœur de ma pratique et favorise la pleine présence à ce qui est, à ce qui est là « ici et maintenant ». Et cette congruence permet de laisser être un espace de « co-errance » dans le travail, un espace qui s’avère être, pour moi, fondateur et créateur de nouveauté et de changement pour le patient ou le participant.